L’ACCÈS AUX SERVICES PUBLICS EST-IL SATISFAISANT EN OUTRE-MER ?

Publié le 27/05/2020

Il conditionne l’égalité et l’intégration sociale des populations. L’accès aux services publics est essentiel à la cohésion du territoire et à l’adhésion des citoyens à la République. Qu’en est-il dans les outre-mer ? Quelles sont les pistes d’amélioration ?

 

 

L’ACCÈS AUX DROITS PAR LES SERVICES PUBLICS

« En Outre-mer plus encore que partout ailleurs, l’accès aux droits passe par l’accès au service public et quand celui-ci est bouché les droits ne sont pas effectifs. » Ce constat dressé par le Défenseur des droits, Jacques Toubon, vient pointer du doigt l’un des problèmes majeurs des outre-mer, auquel le Conseil économique, social et environnemental (CESE) s’est intéressé dans un rapport publié fin janvier[1].

L’institution rappelle un acte fondateur, la loi de Départementalisation de 1946, qui « promettait une accession à l’égalité des droits ». Sept décennies plus tard, il semble que le compte n’y soit pas, les auteures du rapport en voulant pour preuve les récents mouvements sociaux, de La Réunion et des Antilles-Guyane en 2006, 2008 et 2009 jusqu’à Mayotte en 2011 et la Guyane en 2017.

Des « prises de conscience de courte de durée » des pouvoirs publics en ont systématiquement résulté sans que l’État ne s’engage véritablement sur le long-terme, à en croire les conclusions du rapport. Les disparités dans l’accès aux services publics s’accentuent, non seulement avec l’hexagone, mais également entre les territoires eux-mêmes : les situations de la Guyane, de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon semblent préoccupantes. 

 

LA JEUNESSE ET LES AÎNÉS : DEUX PRIORITÉS EN MIROIR

Fortes de ce constat, les auteures développent plusieurs réflexions afin de combler ces inégalités. Elles affirment la nécessité de lancer un plan de rattrapage dans les territoires ultramarins puis de préparer l’avenir avec un plan d’investissement. Mais avant toute chose, c’est aux données disponibles qu’elles s’intéressent, « les moyens d’observation statistique dans les Outre-mer [restant] très souvent insuffisants ». La collecte de données fiables et actualisées constituerait une étape nécessaire dans la mise en place d’une « clause d’impact outre-mer » pour chaque texte législatif et réglementaire. Un tel dispositif conduirait à la réalisation systématique d’une étude mesurant les impacts sociaux, économiques et environnementaux spécifiques aux Outre-mer.

Parmi les nombreux points soulevés, « la scolarisation et la réussite scolaire doivent être les premières priorités ». À La Réunion, un tiers des jeunes sortent de l’école sans diplôme. Le rapport appelle ainsi à une meilleure dotation en infrastructures éducatives et à une augmentation du nombre d’enseignants.

De l’autre côté de la pyramide des âges, c’est la prise en charge des seniors qui interpelle, alors que les territoires ultramarins font face à un vieillissement de leur population. En ce sens, « le CESE recommande de renforcer le maillage territorial des centres hospitaliers, des centres de santé […] y compris dans les zones reculées et en direction de publics fragiles. »

 

PRÉSENCE PHYSIQUE ET NUMÉRIQUE : L’INCONCILIABLE ALLIANCE ?

Côté méthode et afin de soutenir efficacement le développement des services publics, le rapport invite l’État à miser sur la co-construction avec les acteurs locaux et le tissu associatif plutôt que sur la réaction dans l’urgence. Les politiques publiques doivent se construire avec les acteurs des territoires, indispensables à la bonne compréhension de leur fonctionnement.

Le rôle du préfet pourrait être central à condition d’être repensé : des compétences étendues et une autonomie accrue lui permettraient d’appréhender les spécificités locales nécessaires à une efficacité réelle des services publics. Pour y parvenir, une meilleure formation et une affectation repensée des cadres administratifs sont un préalable indispensable.

Faut-il privilégier le numérique face à l’accueil physique des usagers ? La réponse est négative, selon les auteures du rapport. L’exigence est double : une présence physique est nécessaire, et doit être renforcée par la création de Maisons de service au public (MSP) sur tout le territoire, sans pour autant que le développement numérique ne soit abandonné et qu’un retard supplémentaire ne s’ajoute pour les outre-mer.

L’accès aux services publics est ainsi un sujet d’avenir qui conditionnera la capacité des citoyens à développer leurs territoires de manière durable.

 

[1] Chay Michele, Mouhoussoune Sarah, L’accès aux services publics dans les Outre-mer, étude du CESE, janvier 2020

 

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