RÉFÉRENDUM NOUVELLE-CALÉDONIE : QUELLES CONSÉQUENCES ?

Publié le 24/10/2018

Le 4 novembre, les calédoniens sont invités à se prononcer sur l’indépendance de leur archipel, conclusion d’un processus amorcé par l’accord de Nouméa de 1998. Étatdes lieux à quelques jours d’un vote d’autodétermination historique et de ses conséquences sur la vie économique locale.

RÉFÉRENDUM : L’ABOUTISSEMENT DE PLUSIEURS ANNÉES SOUS TENSION

Sous souveraineté française depuis 1853, la Nouvelle-Calédonie est une collectivité d’Outre-mer jouissant d’une relative autonomie politique et d’institutions particulières (un gouvernement local et un Sénat coutumier). Plusieurs vagues de violence dans les années 80 conduisent à la signature des accords de Matignon en juin 1988. Dix ans plus tard, le 5 mai 1988, l’accord de Nouméaest signé, symbole d’une trêve entre anti-indépendantistes (RPCR) et indépendantistes (FLNKS). Avec le soutien de l’Étatfrançais, le texte stipule la réalisation d’un référendum d’autodétermination vingt ans après sa signature, le temps de réaliser un rééquilibrage de l’économie du « Caillou »… soit le 4 novembre prochain.

 

LE « NON » FAVORI DES SONDAGES

En tout, 174 154 électeurs se rendront aux urnes le 4 novembre prochain pour répondre à la question élaborée par le Premier Ministre Edouard Philippe : « voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante ? ». Un sondage mené fin septembre par Harris Interactive pour France Télévisions penche pour une victoire significative du « non » à 66%. Un résultat qui tient en grande partie à la mobilisation des électeurs Kanaks. Les indépendantistes Kanakscraignent en effettaux d’abstention record. La perception du référendum et de ses conséquences pour l’archipel semble par ailleurs être fortement corrélée à l’âge : si les anciens veulent récupérer « la pleine souveraineté », la jeunesse, majoritaire, semble peu concernée par le vote.

 

DES RETOMBÉES ÉCONOMIQUES DÉJÀ PERCEPTIBLES

S’il est trop tôt pour tirer un bilan des conséquences du référendum sur l’économie locale, des effets se sont déjà fait sentir. Comme cette baisse de la fréquentation hôtelière à Ouvéa, les semaines précédant et suivant le jour du référendum. Par ailleurs, même si aucun incident grave n’a été relevé dans les derniers mois, les craintes de nouvelles tensions provoquent un certain ralentissement de l’économie. Alain Christnacht, ancien Haut-commissaire en Nouvelle-Calédonie, s’est exprimé au sein d’une interview pour l’AFP : « Je pense que les violences de la période 84-88 ont vacciné, si j'ose dire, des deux côtés et pour longtemps. Mais ça ne veut pas dire qu'il n'y aura pas d'autres formes de pressions, de manifestations. » Ces tensions s’inscrivent dans un contexte économique en berneavec notamment une baisse des recettes fiscales de l’archipel ainsi qu’une chute du cours du nickel, ressource naturelle essentielle du territoire.

 

ET APRÈS LE RÉFÉRENDUM ? 

L’économie de la Nouvelle-Calédonie, fondée en grande partiesur l’exploitation du nickel, justement,est également très dépendante de l’accompagnement financier de l’Étatfrançais – près d’1,25 milliard d’euros annuel. Ces fonds sont redistribués sur le territoire sous forme de salaires, de contrats de développement ou de produits de défiscalisation. Pour le Conseil d'Analyse Économique, les transferts de l’Étatreprésentaient en 2011 « environ 13 % du PIB calédonien. Quasiment le double de la part du nickel dans l'économie ». Un constat confirmé en 2016 :dans une économie en perte de vitesse, le nombre de salariés du public a augmenté de 1,8%. 

Or, si le « Oui » l’emportait, l’aide serait probablement supprimée. Même si des indépendantistes plaident pour un nouveau partenariat avec la République, cette hypothèse ne semble pas forcément crédible pour la plupart des élus locaux.A vrai dire, le débat est marqué par … Le Vanuatuvoisin, souvent cité en exemple pour illustrer les conséquences éventuelles du vote « Oui ». Indépendant depuis 1980, le Vanuatu réalise certes 40% de son PIB grâce au tourisme, mais les anti-indépendantistes mettent en avant la forte pauvreté de ses habitants pour l’ériger en contre-modèle. A l’inverse, il est souvent présenté comme un modèle de sauvegarde de la culture océanienne (autre sujet crispant en Nouvelle Calédonie) : « Au Vanuatu, l’identité océanienne est une réalité : il y a davantage d’égalité, la terre est demeurée une valeur importante » comme le souligne Hipveto Boucko, militant indépendantiste. 

A l’inverse, une victoire du « Non » ne signifierait pas nécessairement le maintien du statu quo actuel. L’accord de Nouméa prévoit en effet une seconde consultation possible dans deux ans, ainsi qu’une troisième deux ans plus tard encore : rien n’est joué, et garder des liens politiques avec la France ne signifierait pas forcément qu’il n’y ait pas d’évolution politique. 

 

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